La gestion des coûts de l’insuline constitue un enjeu majeur dans le domaine de la santé, tant pour les patients que pour les différents systèmes de santé à travers le monde. Malgré la sensibilisation croissante autour de cette thématique, plusieurs idées reçues persistent, alimentant des mythes qui peuvent influencer les perceptions et les décisions politiques. Cet article se propose de démystifier quatre notions courantes entourant le prix de l’insuline en France, en s’appuyant sur des études et des données récentes. À travers cette analyse, nous examinerons la réalité des prix pratiqués, la rentabilité des fabricants, l’impact des biosimilaires et les raisons sous-jacentes aux pénuries d’approvisionnement.
Mythe 1 : l’insuline est vendue moins chère en France que dans le reste de l’Europe.
D’après une étude réalisée par Rand Corporation en 2018, le prix d’une fiole en France se situe dans la moyenne des prix européens. L’étude se penche uniquement sur le conditionnement en fiole, sans regarder ceux des cartouches ou des stylos. Le prix moyen d’une fiole d’insuline en France est de 9 euros très proche de la moyenne européenne à 8,95 euros.
Même si certains médicaments peuvent demander une autorisation de mise sur le marché au niveau européen, le prix de l’insuline est négocié par chaque état directement avec les fabricants. La Pologne a négocié le prix le plus bas à 6,30 euros par fiole et l’Allemagne et la Suisse paient le prix le plus élevé à 12,60 euros.
En prenant en compte les autres pays de l’OCDE, le prix moyen reste proche des 9 euros, à l’exception des États-Unis ou le prix de la fiole monte à 99 euros.
Pour connaître le prix de vos insulines, vous pouvez consulter le site web Observatoire du médicament de Cyril Coquilleau qui s’appuie sur les données open data de l’Assurance Maladie.
Mythe 2 : le prix de l’insuline est juste.
Le prix de l’insuline est bien plus élevé que le coût de fabrication. Le coût de production pour un stylo injecteur d’insuline en incluant 50 % de profit est estimé à 2,50 euros, alors que le prix moyen d’un stylo d’insuline en France est de 7,66 euros, soit 3 fois plus. En incluant un calcul plus conservateur des coûts et un profit à 10 %, le coût de fabrication d’un stylo descend à 1,35 euro soit 7 fois moins que le prix moyen.
Ces chiffres sont le résultat d’une étude menée par Médecins sans frontières calculant le coût de production de l’insuline. Les chercheurs ont proposé plusieurs possibilités, incluant la mise en conditionnement, des bénéfices pour le fabricant et le coût additionnel pour un nouvel acteur.
Les coûts de fabrication sont des estimations, car les fabricants ne partagent pas les coûts associés à chaque médicament. Les seules données accessibles sont celles des rapports financiers qui donnent le chiffre d’affaires par médicament et indiquent les coûts par département (R&D, publicité, production).
Les dépenses concernant les stylos représentent 400 millions d’euros par an pour la Sécurité sociale, soit 80 % des dépenses d’insuline. Un prix juste négocié avec les fabricants permettrait de diviser par 7 ce poste de dépense.
Mythe 3 : les biosimilaires sont moins chers en France.
Il existe deux biosimilaires d’insuline en France qui sont proposés par des fabricants historiques d’insuline.
Sanofi propose un biosimilaire de Novorapid de Novo Nordsik commercialisé sous le nom d’insuline aspart. Sanofi commercialise ce médicament 12 % moins cher et détient moins de 1 % du marché.
Eli Lilly a réussi à prendre plus de 25 % du marché de l’insuline glargine grâce à son biosimilaire du Lantus commercialisé sous le nom Abasaglar. Le prix du biosimilaire est deux centimes moins chers par stylo que son concurrent.
Dans les deux cas, l’entrée d’un biosimilaire sur le marché français n’a pas eu d’impact sur les dépenses de santé liées à l’insuline.
Mythe 4 : les pénuries sont liées au prix de l’insuline.
Les pénuries constatées en France depuis quelques années ne sont pas en lien avec un prix de vente plus bas qu’ailleurs de l’insuline. Les Etats Unis, même avec un prix 10 fois supérieur à la moyenne de l’OCDE ont aussi connu des ruptures de stock cette année.
Les pénuries d’insuline sont très probablement liées à une baisse du volume de production. En effet, l’insuline est produite avec les mêmes procédés et sur les même chaîne de production que les agonistes au GLP-1 comme l’Ozempic. Ces nouvelles molécules sont vendues beaucoup plus cher que l’insuline et sont donc privilégiés sur les sites de production.