Elles représentent 99 % du marché de l’insuline aujourd’hui, pourtant, elles n’existaient pas il y a trente ans. Les insulines analogues ont remplacé l’insuline humaine pour l’insulinothérapie autant pour les adeptes de stylo que de pompes. En-dehors de l’impact sur l’insulinothérapie, quels effets les insulines analogues ont eu sur l’industrie de l’insuline ?
Pourquoi les insulines analogues ont modifié le marché de l’insuline ?
Les insulines analogues sont brevetables.
L’insuline humaine n’a jamais été brevetée en tant que molécule. Le brevet sur l’insuline de l’Université de Toronto donné à Eli Lilly en 1922 concernait la méthode d’extraction de l’insuline. Depuis le séquençage du génome humain dans les années 90, il est interdit de breveter le vivant.
Les brevets sur l’insuline depuis sa découverte concernent donc les procédés de fabrication. Par exemple, Genentech dépose le brevet pour la production d’insuline par génie génétique à partir de bactéries en 1977.
Tout change avec l’arrivée des insulines analogues. Leur séquence étant modifiée par l’action humaine, les insulines analogues sont brevetables. Dans ce cas, c’est la molécule en elle-même qui est sous un brevet.
L’entrée des insulines analogues brevetées dans l’insulinothérapie a bouleversé son économie. Les entreprises pharmaceutiques ont pu se démarquer de leurs concurrents en proposant des nouveaux produits différents et non (ou peu) interchangeables.
L’impact des analogues sur le marché de l’insuline
Les analogues ont rapidement pris la place de l’insuline humaine dans l’insulinothérapie. Pour le marché français, l’insuline humaine représente 1 à 2 % de l’insuline vendue en pharmacie.
Les brevets sur les insulines analogues ont favorisé les entreprises pharmaceutiques déjà implantées et ayant les ressources nécessaires pour la recherche et développement d’insulines analogues. Ces entreprises ont pu vendre leur produit de manière exclusive pendant 20 ans.
Actuellement, le marché de l’insuline est un oligopole avec trois entreprises pharmaceutiques se partageant 96 % du marché mondial : Eli Lilly, Sanofi, et Novo Nordisk. Ces trois entreprises produisent de l’insuline depuis les débuts de l’insuline industrielle.
La formation de cet oligopole est allée de pair avec une augmentation du prix de l’insuline. L’effet est visible particulièrement dans les pays qui ne disposent pas d’agence gouvernementale pour négocier les prix des médicaments comme les Etats Unis. Le prix d’une fiole d’insuline est passé de 20 dollars dans les années 90 à plus de 300 dollars en 2015.
Quel devenir pour les insulines analogues ?
Les insulines analogues n’ont pas résolu l’ensemble des problèmes de l’insulinothérapie. Au final, malgré l’engouement initial, il n’existe que 6 insulines analogues sur le marché, dont 3 qui se partagent 80 % du marché français.
Moins de recherche pour de nouvelles insulines
Ce désengagement se retrouve auprès des entreprises pharmaceutiques qui investissent moins dans la recherche d’insulines analogues. La dernière insuline analogue mise sur le marché en France est arrivée en 2014, il y a presque 10 ans.
Les entreprises pharmaceutiques se tournent vers des molécules pour le traitement de diabète de type 2 qui représentent un marché 10 fois plus important et en constante augmentation.
La recherche s’étend aussi aux appareils médicaux qui améliorent la qualité de vie des personnes avec un diabète comme les capteurs de glycémie, les pompes et les systèmes fermés.
La fin des brevets et l’arrivée des biosimilaires
Depuis 2015, les brevets sur les insulines analogues expirent permettant l’entrée sur le marché de nouveaux compétiteurs. L’exclusivité des insulines analogues pendant 15 ans a laissé des traces et il n’existe pas de producteurs alternatifs d’insulines sur le marché français.
Les insulines analogues biosimilaires représentent environ 8 % des insulines analogues vendues en France. Eli Lilly a particulièrement réussi son pari en introduisant en 2014 le biosimilaire à l’insuline glargine sous le nom Abasaglar. L’entreprise pharmaceutique a capté 25 % du marché, et la vente d’Abasaglar représente la moitié de son chiffre d’affaires en France pour les insulines analogues.
Sanofi a tenté la même chose avec un biosimilaire pour l’insuline aspart proposé par Novo Nordisk en 2021. Le produit Insuline Asparte Sanofi ne représente que 0,5 % de la vente totale d’Aspart en France.